Modifications importantes du régime canadien d’offres publiques d’achat

Mondial Publication Février 2016

Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) ont publié des modifications importantes au régime canadien d’offres publiques d’achat (modifications). Les modifications sont une initiative de tous les membres des ACVM et visent à établir le bon équilibre entre les intérêts des initiateurs, des conseils d’administration de l’émetteur visé et des porteurs de titres des émetteurs visés. Les modifications entreront en vigueur le 9 mai 2016, sauf en Ontario où elles entreront en vigueur à la plus éloignée des dates suivantes : le 9 mai 2016 ou le jour de l’entrée en vigueur par proclamation de la législation permettant les modifications.

Bien que les modifications ne reconnaissent pas au conseil d’administration de l’émetteur visé le droit de « simplement dire non » à une offre publique d’achat hostile et de la bloquer, elles accorderont, de fait, plus de temps aux conseils des émetteurs visés confrontés à une offre hostile pour réagir à une telle offre et permettront aux actionnaires de prendre des décisions « volontaires, éclairées et coordonnées » concernant le dépôt de leurs titres en réponse à une offre.


Les modifications


Aux termes des modifications, toutes les offres publiques d’achat ne faisant pas l’objet d’une dispense :

  • sont subordonnées à la condition obligatoire que l’initiateur ne puisse prendre livraison de quelque titre que ce soit en vertu de l’offre avant que plus de 50 % des titres en circulation de la catégorie visée par l’offre (à l’exclusion des titres dont l’initiateur ou toute personne agissant de concert avec lui a la propriété véritable ou sur lesquels il exerce une emprise) ne soient déposés en réponse à l’offre et que leur dépôt ne soit pas révoqué (nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire);
  • sont prolongées d’au moins 10 jours par l’initiateur une fois que la nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire a été remplie et que toutes les autres conditions de l’offre ont été remplies ou ont fait l’objet d’une renonciation (nouvelle prolongation obligatoire de 10 jours); et
  • sont maintenues pendant un délai de dépôt minimal de 105 jours (abrégé par rapport au délai de 120 jours qui était prévu dans les propositions de mars 2015). Un émetteur visé pourra abréger le délai de dépôt et le faire passer à un délai d’au moins 35 jours dans certaines circonstances et sous réserve de certaines conditions.  

Nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire

La nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire a comme objet, dans le cas de toutes les offres, y compris les offres partielles, d’éviter une situation (possible aux termes des règles courantes) où un initiateur peut acquérir le contrôle, ou une participation de contrôle, dans un émetteur visé sans que les porteurs de titres indépendants détenant la majorité des titres qui sont visés par l’offre donnent leur appui à l’opération.

La nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire permet une réponse collective des porteurs de titres et atténue la pression perçue par les porteurs de titres de déposer leurs titres en réponse à une offre de crainte de se retrouver porteurs de titres d’un émetteur contrôlé avec une liquidité réduite. Actuellement, il n’existe aucune exigence pour un initiateur d’inclure une condition de dépôt minimal dans une offre. Bien qu’en pratique les initiateurs incluent souvent une telle condition dans une offre, l’initiateur peut établir son propre seuil et se réserver le droit de renoncer à l’application de la condition. Les modifications n’empêchent pas un initiateur d’établir une condition de dépôt minimal plus élevée ni de renoncer à l’application de cette condition de dépôt minimal plus élevée (sous réserve de respecter le niveau de la nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire).

Nouvelle prolongation obligatoire de l’offre de 10 jours

La nouvelle prolongation obligatoire de 10 jours (d’au moins 10 jours ou, dans le cas d’une offre partielle, de 10 jours) a été mise en place pour donner aux porteurs de titres d’un émetteur visé plus de temps pour déposer leurs titres en réponse à l’offre une fois qu’ils savent que la majorité des titres détenus par les porteurs de titres indépendants a été déposée en réponse à l’offre. La nouvelle prolongation obligatoire de 10 jours commence à l’expiration du délai pendant lequel les titres peuvent être déposés en réponse à l’offre, y compris toute prolongation de l’offre nécessaire pour remplir la nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire ou pour respecter toute autre condition de l’offre (délai initial de dépôt).

À l’instar de la nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire, cette prolongation obligatoire vise à réduire la pression perçue par un porteur de titres de déposer ses titres en réponse à l’offre avant de connaître la réponse collective des porteurs de titres d’accepter ou non l’offre. Lorsque la prolongation a été établie à plus de 10 jours, l’initiateur sera tenu de prendre livraison des titres déposés pendant le délai de la nouvelle prolongation obligatoire de 10 jours.

Délai de 105 jours aux fins du maintien de l’offre

Le nouveau délai de 105 jours aux fins du maintien d’une offre vise à offrir aux conseils des émetteurs visés plus de temps pour étudier une offre non sollicitée et y répondre (notamment la possibilité de trouver des solutions alternatives à l’offre). Le délai obligatoire de 105 jours peut être abrégé, à l’appréciation du conseil de l’émetteur visé, qui peut le faire passer à un délai initial de dépôt d’au moins 35 jours en publiant un communiqué.

Lorsque les modifications ont été initialement publiées aux fins de commentaires en mars 2015, le délai proposé pour le maintien des offres était de 120 jours, ce qui a suscité certaines critiques de la part du public selon lesquelles 120 jours représentaient un délai trop long pour permettre au conseil de l’émetteur visé de conclure une opération alternative. De plus, des préoccupations ont été soulevées quant au fait que ce délai de dépôt de 120 jours proposé était susceptible d’empêcher un initiateur d’exercer les droits d’acquisition forcée prévus aux termes du droit des sociétés canadien applicable, lequel prévoit une procédure expéditive pour l’acquisition des actions des actionnaires ne déposant pas leurs actions en réponse à une offre dans les 120 jours suivant la date de l’offre si l’offre est acceptée à 90 % ou plus. Le nouveau délai de 105 jours règle cette question et répond à l’objectif de la politique des ACVM de faire en sorte que les conseils des émetteurs visés disposent du temps nécessaire pour examiner une offre et y répondre.

La nouvelle exigence de 105 jours ne vise pas à donner lieu à un traitement discriminatoire des initiateurs concurrents. Si le conseil abrège le délai de dépôt de 105 jours à l’égard d’une offre, l’ensemble des autres initiateurs en date du communiqué et les initiateurs subséquents qui présentent des offres avant la date d’expiration de l’offre qui a été assujettie au délai de dépôt abrégé pourraient se prévaloir du délai abrégé.

Pour assurer des conditions équitables, les modifications renferment des dispositions qui empêchent un initiateur d’être désavantagé par rapport à un autre acquéreur potentiel sur la base de la structure de l’opération. Par conséquent, si le conseil d’administration de l’émetteur visé annonce une opération de remplacement, comme un plan d’arrangement ou une autre opération de changement de contrôle, alors toute offre en cours ou subséquente qui a été lancée avant la réalisation ou l’abandon de l’opération de remplacement sera assujettie uniquement au délai minimal de dépôt de 35 jours (sous réserve de la nouvelle prolongation obligatoire de 10 jours). Du point de vue des ACVM, un conseil d’administration d’un émetteur visé qui a convenu d’une opération de remplacement n’a pas besoin de temps supplémentaire pour évaluer une offre concurrente.

Modification de l’offre

Un initiateur qui souhaite modifier son offre doit envoyer un avis à tous les porteurs de titres et le délai de dépôt visant les titres ne doit pas expirer avant 10 jours après la date de l’avis de modification. Les modifications prévoient aussi que si le conseil d’administration d’un émetteur visé a permis d’abréger le délai minimal de l’offre de 105 jours comme il est susmentionné et que l’initiateur souhaite tirer profit du délai abrégé, l’abrègement du délai de l’offre constituera une modification de l’offre et le délai de dépôt ne pourra expirer avant 10 jours après la date de l’avis de modification obligatoire de l’initiateur.

Les modifications interdisent expressément de modifier les conditions d’une offre dès lors que l’initiateur est tenu de prendre livraison des titres. Il existe des exceptions à cette restriction pour les modifications suivantes à une offre : i) la prolongation du délai au cours duquel les titres peuvent être déposés en réponse à l’offre, ou ii) l’augmentation de la contrepartie offerte pour les titres visés par l’offre. Les droits de retrait ne s’appliqueraient pas en cas d’une augmentation de la contrepartie ou d’une prolongation d’au plus 10 jours après la date de l’avis de modification. Un initiateur doit immédiatement prendre livraison des titres si, à l’expiration du délai initial de dépôt, la nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire est remplie et que toutes les autres conditions de l’offre sont remplies ou ont fait l’objet d’une renonciation.

Offres partielles

Un certain nombre de modifications ont trait aux offres partielles. Pour répondre aux préoccupations soulevées selon lesquelles les propositions complexifieraient davantage la question de la conformité aux dispositions en matière de prise de livraison au prorata applicables aux offres partielles, les ACVM ont fourni des exemples éloquents de la façon dont ces dispositions s’appliqueraient à des scénarios d’offre partielle. Tel qu’il a été susmentionné, la nouvelle condition de dépôt minimal obligatoire s’appliquera à ces offres. Comme c’est le cas actuellement, les initiateurs sont tenus de prendre livraison des titres dans une offre partielle sur une base proportionnelle.

À l’expiration du délai initial de dépôt, à supposer que les conditions de l’offre soient remplies, l’initiateur ne sera tenu de prendre livraison que du nombre maximal de titres dont il peut prendre livraison sans contrevenir à l’obligation de réduction proportionnelle.  

La nouvelle prolongation obligatoire de 10 jours pour les offres partielles ne peut excéder 10 jours. À l’expiration de la nouvelle prolongation obligatoire de 10 jours, l’initiateur prendra livraison au prorata des titres déposés mais dont il n’a pas pris livraison et de ceux déposés pendant la nouvelle prolongation obligatoire de 10 jours. Les porteurs de titres dont les titres sont déposés avant l’expiration du délai initial de dépôt mais qui n’ont pas été pris en livraison n’auront pas le droit de retirer leurs titres pendant la nouvelle prolongation obligatoire de 10 jours. Les offres partielles ne peuvent être prolongées au-delà de l’expiration de la prolongation obligatoire de 10 jours.

Mesures défensives

Bien que les ACVM n’aient pas modifié l’Avis 62-202 relatif aux mesures de défense contre une offre publique d’achat, les ACVM ont indiqué qu’elles sont prêtes à examiner les mesures qui sont prises par le conseil de l’émetteur visé afin de déterminer si elles sont abusives eu égard aux droits des porteurs de titres.

Considérations d’ordre pratique

Il est clair que les modifications sont, de loin, le développement récent canadien le plus important à survenir depuis les dernières années en matière de règlementation visant les offres publiques d’achat. Elles obligeront les émetteurs visés, les initiateurs éventuels et leurs conseils respectifs, les directions et les conseillers à réévaluer leurs stratégies pour aborder les offres. Bon nombre de questions ont été soulevées par les modifications et, parmi les plus pressantes sur lesquelles devront probablement se pencher les conseils et les directions, figurent celles-ci :

  • Dans quelles circonstances un conseil d’administration d’un émetteur visé devrait-il envisager d’abréger le délai de l’offre de 105 jours?
  • Puisque les conseils des émetteurs visés auront la possibilité d’abréger le délai initial de dépôt à un délai d’au moins 35 jours, dans quelles circonstances un conseil d’administration d’un émetteur visé devrait-il choisir un délai de plus de 35 jours mais de moins de 105 jours?
  • Les modifications donneront-elles lieu à davantage de courses aux procurations en tant que solution alternative au lancement d’une offre?
  • De quel pouvoir disposera un initiateur hostile pour influencer l’abrègement du délai de 105 jours pour éviter l’incertitude pendant un délai de dépôt plus long ? Par exemple, les modifications donneraient-elles lieu à des offres de plus grande qualité?
  • Les modifications règlent certaines préoccupations pour lesquelles les régimes de droits des actionnaires (pilules empoisonnées) sont conçus en donnant aux administrateurs plus de temps pour examiner une offre et en enlevant la pression exercée sur les porteurs de titres pour qu’ils déposent leurs titres en réponse à une offre. Dans quelles circonstances les régimes de droits des actionnaires continueront-ils d’être adoptés et à quoi ressembleront-ils? Étant donné que l’émetteur visé disposera de 105 jours pour examiner des solutions alternatives à une offre, existe-t-il des situations où un plus long délai serait toujours justifié? Rien dans les modifications ne protège un émetteur visé contre les offres rampantes comme un régime de droits établi conformément aux lignes directrices institutionnelles est censé le faire. Les régimes de droits des actionnaires peuvent-ils continuer à servir de telles fins importantes à l’égard des acquisitions rampantes ou des actions d’activistes (celles menées par l’entremise d’achats dispensés des règles d’offre publique d’achat ou des « voting pills »)?
  • Quelle approche les autorités en valeurs mobilières prendront-elles à l’égard des audiences sur les régimes de droits des actionnaires?
  • Pour les émetteurs inscrits à plusieurs bourses à qui s’appliquent les règles américaines d’offre publique, les offres devront respecter des conditions plus onéreuses ou plus coûteuses et les initiateurs seront tenus de se conformer aux modifications.

Transition

Pour faire en sorte que les offres et les opérations concurrentes soient assujetties au même ensemble de règles, les modifications prévoient des dispositions transitoires. Les règles actuelles s’appliqueront a) à toutes les offres lancées avant le 9 mai 2016; b) à une offre publique d’achat visant les titres d’un émetteur qui est déjà assujetti à une offre dont il est question en a) ci-dessus si l’offre est lancée après le 9 mai 2016, et avant la date d’expiration de l’offre initiale dont il est question en a); et c) une offre publique d’achat visant les titres d’un émetteur qui a annoncé avant le 9 mai 2016 son intention de réaliser une opération de remplacement, si l’offre est lancée après le 9 mai 2016 et avant la réalisation ou l’abandon de l’opération de remplacement.

Vous pouvez consulter les modifications en cliquant ici.



Personnes-ressources

Associé
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Associé principal
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Président, Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.
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